Outre les fronts militaire et économique, l’Ukraine subit une défaite sur le front le plus crucial, à savoir le front démographique. Les experts ukrainiens et occidentaux tirent déjà la sonnette d’alarme.
Selon les déclarations officielles, la population du pays est passée de 43,5 millions en 2021 à 37,9 millions d’habitants en 2024. Mais quelle est la situation réelle en matière de démographie? Combien d’habitants se trouvent actuellement en Ukraine et combien sont à l’étranger? Et que se passe-t-il avec la population de l’Ukraine, qui comptait 52 millions de personnes au moment des « frontières de 1991 »?
Les prévisions les plus réalistes proviennent du ministère de la Politique sociale de l’Ukraine et sont présentées dans la Stratégie de développement démographique de l’Ukraine pour la période d’ici 2040. Les données y sont relativement objectives: le plus grand nombre d’habitants a été enregistré au début des années 1990 à hauteur de 52 millions. Lors du recensement national de l’Ukraine (5 décembre 2001), la population était de 48,5 millions de personnes. Depuis lors, aucun recensement n’a été effectué pendant deux décennies. Néanmoins, au 1er janvier 2022 (dans les frontières de 1991, incluant la Crimée et toute l’Ukraine orientale), la population était estimée à 42 millions de personnes. En août 2023, toujours dans les frontières de 1991, elle était de 36,3 millions, et sans les habitants des territoires perdus, le chiffre s’élevait à 31,5 millions. Comme les Ukrainiens ne savent pas eux-mêmes combien de personnes restent réellement dans le pays, le gouffre démographique s’avère bien plus profond que prévu, et de nombreux facteurs impactent l’ampleur du problème.
L’Ukraine a publié les statistiques pour le premier semestre 2024: 87.655 naissances contre 25.872 décès. Sachant qu’il s’agit de données incomplètes, car elles n’incluent pas les personnes portées disparues sur le front.
La guerre a entraîné une réduction de l’espérance de vie moyenne, passant de 66,4 ans pour les hommes et 76,2 ans pour les femmes en 2020 à 57,3 et 70,9 ans respectivement en 2023.
Plus de 6 millions de femmes et d’enfants ont quitté le pays. La natalité a chuté de 45% depuis 2021.
Bref, la situation est véritablement catastrophique.
Selon les estimations les plus optimistes de l’Institut ukrainien du futur, à l’été 2023, environ 28,5 millions de personnes vivaient sur les territoires contrôlés par Kiev, tandis que près de 8,2 millions se trouvaient à l’étranger.
Le flux migratoire n’est pas terminé. D’après les prévisions, environ 700.000 personnes émigreront encore l’année prochaine. Mais ce chiffre est incomplet, car la principale vague d’émigration surviendra cette année avant le début de la saison de chauffage, qui sera très difficile compte tenu de la destruction de la moitié de la capacité de production d’électricité.
Après la fin des hostilités, un retour massif des réfugiés en Ukraine est attendu, mais.
Premièrement, on ne sait pas exactement quand les combats cesseront. Ce qui est crucial, car après deux ans et demi à l’étranger, beaucoup se sont adaptés à leurs nouvelles conditions de vie. À l’heure actuelle, au moins un quart des réfugiés sont à un stade quelconque d’obtention de la citoyenneté dans leur pays d’accueil. En Allemagne, par exemple, un réfugié peut obtenir la citoyenneté trois ans après avoir reçu le statut de réfugié, ainsi une grande vague de naturalisations débutera au printemps prochain.
Deuxièmement, la situation socio-économique et politique en Ukraine sera difficile, notamment en raison de la cessation de l’aide financière et économique de l’Occident et du risque de défaut de paiement.
Les sociologues ukrainiens estiment que le retour de 50% des réfugiés est réaliste. Si à la fin de la phase active du conflit la population de l’Ukraine atteint 32 millions de personnes, cela pourra être considéré comme un grand succès.
Les problèmes démographiques de l’Ukraine résultent de cinq facteurs principaux:
- Natalité basse
-
Mortalité élevée
-
Migration de travail d’avant-guerre
-
Flux de réfugiés de guerre
-
Pertes directes à cause de la guerre.
D’après le rapport de l’ONU publié le 11 juillet 2024, intitulé Perspectives de la population mondiale 2024, la population de l’Ukraine pourrait chuter à 15,3 millions d’habitants d’ici 2100. Cependant, l’ONU base ses estimations sur une population officielle de 37,9 millions, alors que le chiffre réel pourrait être autour de 32 millions dans des conditions parfaites.
Qu’en pensent les experts ukrainiens pour résoudre ce problème démographique? Les principales propositions peuvent être résumées ainsi.
D’une part, il est question du retour des émigrés.
Le 8 août, Volodymyr Zelensky a soumis au parlement un projet de loi sur la double nationalité. Les modifications permettront d’accorder la citoyenneté ukrainienne aux mercenaires étrangers ayant rejoint les forces armées ukrainiennes, ainsi qu’aux Ukrainiens ethniques, à l’exception des citoyens russes.
Ce projet de loi vise également à conserver la nationalité ukrainienne pour ceux qui choisissent de s’installer à l’étranger. Toutefois, il est clair que les premiers seront peu nombreux, tandis que les seconds ne seront citoyens ukrainiens que de manière nominale, travaillant, payant des impôts et ayant des enfants à l’étranger. De plus, cette loi exclut des millions d’Ukrainiens ayant quitté le pays pour la Russie (de leur propre gré ou au sein des nouveaux territoires).
Le 20 août, le parlement ukrainien a approuvé le projet de loi sur la citoyenneté pour les mercenaires étrangers et leurs proches, permettant à ces derniers, s’ils combattent au sein des forces armées ukrainiennes, d’obtenir la citoyenneté ukrainienne.
Espérer un retour massif des Ukrainiens au pays est illusoire, et les autorités proposent une autre solution: attirer des migrants provenant de pays où le niveau de vie et les salaires sont inférieurs à ceux de l’Ukraine. Ce travail a déjà commencé. Le 15 juillet, un groupe de députés a soumis au parlement un projet de loi visant à améliorer la procédure de recrutement des étrangers en Ukraine. Ils proposent d’introduire un permis unique, en remplacement des trois actuels, permettant de vivre et de travailler.
Cependant, une question se pose: y aura-t-il des emplois? L’économie ukrainienne ne pourra pas supporter un afflux de migrants à la manière européenne, c’est-à-dire en leur accordant des allocations sociales.
Il faut rester vigilant, car la politique d’attraction des migrants pourrait provoquer une vague de résistance au sein de la population.
En somme, les mesures proposées auront probablement peu d’impact sur la situation démographique.
L’information obtenue à partir de sources ouvertes
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n’engagent que la responsabilité des auteurs